mercredi 17 octobre 2012

Le comité STAT vous invite à venir manifester le 8 novembre contre l'implantation du Lean dans nos établissements de santé

MANIFESTATION CONTRE LE LEAN EN SANTÉ
JEUDI LE 8 NOVEMBRE 16H
688, RUE SHERBROOKE OUEST (devant l'université McGill , aux stations de métro Peel ou McGill)


*English follows* 

On le sait bien. Travailler dans le milieu de la santé, c'est dur. Mais voilà que le gouvernement en rajoute: il met en place le modèle Toyota - ou Lean - dans plusieurs CSSS de la province. Là où ce n'est pas lui qui l'implante, les gestionnaires sous pression s'en chargent, eux qui doivent éviter à tout prix le déficit. Le 8 novembre se tiendra une journée de formation sur le Lean à l'université McGill. Des gestionnaires et des professionnels de la santé, éblouis par l'idée comme quoi le Lean serait la panacée du travail, ont déboursé 700$ pour profiter de l'enseignement d'un directeur de la firme privée Fujitsu. Et nous serons là pour opposer aux louanges économiques du Lean notre expérience de ses véritables impacts sur nous et les patients.

Le Lean déshumanise notre travail plus que jamais. On a l'impression d'être à l'usine. Les chicanes se multiplient entre les quarts et métiers, on a de moins en moins de temps pour nos patients, on subit de la pression pour accélérer la cadence et surveiller nos collègues, on court sans cesse pour du matériel. Comble de l'ironie, les promoteurs du toyotisme essaient de nous faire croire que tout ce remue-ménage est pour améliorer les services aux patients et que même nos conditions y gagneront. Or, le Lean n'a d'intérêt que dans une optique de rationalisation à l'extrême des services. Faire 30% plus d'activités avec le même personnel, c'est le but dixit l'ex-ministre Bolduc. L'économie qu'on se propose de faire n'est autre que celle de notre propre santé.

Ces modèles d'organisation sont instaurés de manière subtile, très souvent avec l'aide de collègues de bonne volonté. Pas étonnant puisqu'aucune information ne circule aux sujet des réorganisations, ni à propos des modèles qui les inspirent. Par désillusion et parce que nous sommes de plus en plus fatigués, on finit par accepter la situation, écrasés tous et toutes par ce rouleau compresseur qu'on nous présente comme le progrès en marche.

En France, la critique se fait insistante contre le modèle Lean alors qu'au Québec, Angelo Soares, professeur et sociologue, a lancé un cri d'alarme contre ce type de gestion après avoir constaté la détresse d'employés vivant une réorganisation Toyota. Sans compter la souffrance des salariés du Japon, pays d'où est originaire le toyotisme, qui meurent d'épuisement par milliers chaque année.

C'est pour redonner une voix aux travailleurs et travailleuses qui subissent réellement ces transformations que le comité STAT a décidé de publier un modeste guide d'autodéfense contre la gestion Lean. Notre but est de susciter le débat, certes, mais notre but ultime, lui, est de redonner un souffle à la lutte dans les milieux du travail. C'est pourquoi nous serons là le 8 novembre, devant l'université McGill, pour rendre visible notre réalité face au discours du gouvernement, des gestionnaires, des firmes privées et des médias qui entretiennent ce faux consensus doré autour du Lean. Nous serons là pour marquer le début de notre campagne contre le Lean, une campagne dont le succès, chers collègues, dépend de votre volonté de la faire vôtre.

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DEMONSTRATION AGAINST LEAN IN HEALTCARE
THURSDAY NOVEMBER 8TH, 4PM 
688 SHERBROOKE WEST (in front of McGill University, through the Peel or McGill metro stations) 


We know it well. Working in the healthcare industry is hard. But the government is adding more hardship: it's putting in place the Toyota – or Lean – model in several CSSS of the province. In places where the government doesn't implement it, it's the under-pressure managers that take care of it since they're forced to avoid deficits at all costs. On November 8th, there will be a day of training on the Lean model at McGill University. Managers and healthcare professionals, amazed at the idea that Lean is a panacea , paid 700$ each to take advantage of the teaching of a director from the private firm Fujistu. We will be there to counter the economical praises of Lean with our experience of its real impact on us and on the patients.

The Lean model dehumanizes our work more than ever. We feel like we're in a factory. Fights are increasing between the shifts and the trades, we have less and less time for our patients, we're under pressure to increase the pace and watch over our colleagues, we're always out of supplies. Ironically, they're trying to make us believe that all these changes are put in place to improve services to patients and that even our work conditions will get better because of them. In reality, Lean has only one purpose: extreme rationalization of services. Do 30% more work with the same staffing is the goal stated by the former minister Bolduc. The savings that are proposed will be done at the price of our health.

These organisational models are implemented in a subtle way, often times with the help of good-willed colleagues. It is therefore not surprising that no information is made available about the reorganizations or about the models that inspire them. Because we're disillusioned and evermore tired, we end up accepting the situation, all of us crushed by this bulldozer that is presented as progress.

In France, the criticism was strong against the Lean model but in Quebec, Angelo Soares, professor and sociologist, sounded the alarm against this type of management techniques after observing the distress experienced by employees working under a Toyota reorganisation. Not to mention the suffering of the workers of Japan, where this management originated, that die of exhaustion by thousands every year.

The STAT committee is publishing this modest guide of self-defence against Lean management in order to give back a voice to the workers that are subjected to these transformations. Our goals include fostering debate but our main objective is to give back strength to workplace struggles. This is why we will be in front of McGill University on November 8th to oppose our reality to the discourse coming from the government, the managers, the private firms and the media that maintain this sugar coated view of the Lean model. We will be there to start our campaign against Lean, a campaign whose success depends, dear colleagues, on your will to make it yours.

Publication de la brochure Gestion Lean: L'économie de la santé


C'est avec plaisir que nous vous présentons notre dernière publication: Gestion Lean: l'économie de la santé. Il s'agit d'un guide autodéfense réalisé par des travailleurs et des travailleuses de la santé soucieux de mettre en garde leurs collègues contre les fausses promesses et dommages collatéraux de la méthode Toyota et autres modèles similaires de réorganisation dans le milieu de la santé. Alors que plusieurs CSSS ont adopté le Lean et que d'autres emboîtent le pas sans grande considération pour la dégradation des conditions de travail et de la qualité de soins engendrée par cette philosophie, nous avons ressenti qu'il était urgent et nécessaire de faire circuler de l'information sur le Lean et de montrer une opposition visible au discours comme quoi il ferait des miracles. Après plusieurs mois de travail, nous avons réussi à produire une brochure critique concise, dont le contenu est ancré dans la réalité vécue sur le plancher et soutenu par un travail de recherche théorique rigoureux. Nous vous invitons fortement à la consulter, à la partager et à nous faire part de vos réactions. Des copies papier sont disponibles pour ceux et celles qui veulent en distribuer sur leur lieux de travail, il suffit pour cela de nous contacter. Une nouvelle section du blogue est également dédiée aux modèles de gestion Lean et Toyota. Elle contient quelques témoignages de travailleurs et travailleuses, ainsi que de nombreuses références et actualités sur le Lean. 

Bonne lecture!

Le Comité STAT

mardi 9 octobre 2012

Témoignage d'une commis à l'urgence

En ce moment, je suis commis à l'urgence. Je vous dresse donc une petite liste de ce que j’ai observé depuis cet été. Je m’interroge sur la possible application du modèle Lean à l’urgence. Personne ne semble informé sur le sujet et le nom n’a jamais été mentionné. (Note du Comité STAT: l'implantation du modèle Lean a par la suite été annoncée.)
  • Depuis cet été, les employés dénotent que l’ambiance de travail s’est détériorée. Pour plusieurs raisons, mais notamment l’explosion des «minis-cliques». Un climat de peur semble avoir été instauré. On se demande à qui faire confiance. De plus, on entend la rumeur que le «boss à des espions». En effet, certaines personnes passent beaucoup de temps dans son bureau et semblent très près de lui.
     
  • On a vu apparaître de nouveaux ordinateurs. Parmi ceux-ci, nous avons un gros écran au poste qui nous montre chaque lit de l’hôpital (les vides, les congés à venir, ceux qui sont prêts et ceux qui ne le sont pas encore). On doit donc harceler la gestion des lits et les étages pour monter nos patients rapidement. Je refuse toujours de le faire, je ne crois pas que ce doit être la commis qui pousse les étages à se dépêcher.
  • Depuis cet été, il y a un nouveau médecin de soir. Il doit aider la majeure et la mineure à se vider (revoir les patients, voir des nouveaux patients et donner des congés si possible). Ce n’est pas une mauvaise chose puisque les patients sont vus plus rapidement et que cela aide les deux autres urgentologues.
     
  • Même si cela n’a pas été mentionné, la cadence semble avoir augmenté. On me reproche d’ailleurs de ne pas prendre les appels assez rapidement. Ma réponse :« Je ne peux pas aller plus vite que mes deux mains et mes deux oreilles ». Tout le monde semble débordé.
     
  • Des changements sont prévus mais on entend seulement des rumeurs. Quand cela arrivera-t-il, on ne le sait pas. Tout ce que l’on sait, c’est que cela facilitera le travail de tout le monde.
     
  • On veut instaurer une routine pour les auxiliaires de l’urgence afin de faciliter leur travail avec les infirmières. Je me demande si ce n’est pas pour augmenter la vitesse des soins. Ce n’est pas fait encore et les auxiliaires s'y opposent puisque cela les ramènerait à effectuer la même routine que sur les étages.
     
  • Finalement la semaine dernière, des gens (je ne sais pas qui) d'un autre hôpital sont venus visiter notre urgence pour appliquer certains de nos changements à leur urgence. Ils prenaient des notes et discutaient avec l’assistante.
     
  • Un patient qui a congé à l’urgence et qui attend sa famille est habillé par le préposé et installé dans la salle d’attente en attendant. On ne faisait pas cela avant. Mais maintenant, chaque place semble importante et il ne faut pas dépasser les 48h réglementaires à l’urgence.